KYLIE MINOGUE: YES, SHE CANNES Après avoir vaincu son cancer, elle arrive sur la Croisette dans un film de l’étrange Leos Carax.Interview Dany Jucaud - Paris Match 2 Réactions
Paris Match. Vous fêtez vos 25 ans de carrière. Comment faites-vous pour constamment vous réinventer ?Kylie Minogue. Si j’avais l’impression de déjà tout savoir, je ne pourrais plus avancer. Quand j’étais enfant, je chantais “Grease” devant ma brosse à dents comme si je tenais un micro. Il n’était pas écrit que j’allais devenir une star, mais je savais déjà que jouer et chanter faisait partie de mon ADN.
Que vous reste-t-il de l’adolescence ? Le goût du risque. Je suis devenue folle de bonheur quand j’ai appris que Leos Carax m’avait engagée pour “Holy Motors”, mais j’étais en même temps terrifiée : contrairement aux tournées où j’ai tout un entourage, j’avais décidé, comme à mes débuts, de me débrouiller seule. C’était une libération mais aussi une grande source d’angoisse.
Comment faites-vous pour gérer le sentiment d’insécurité et de peur lié à ce métier ? En me disant que c’est comme ça pour tout le monde. Sans les applaudissements, la vie me semblerait bien silencieuse.
... Et à passer de ce monde que vous fabriquez à la réalité ?C’est comme avec la drogue : l’adrénaline est si forte en haut que la descente peut être terrible. Pour cette raison, je préfère me définir comme une artiste plutôt que comme une pop star.
Peut-on être à la fois star et normale ?Il suffit souvent d’enlever ses plumes ! Sans elles, je suis parfois étonnée quand les gens me regardent dans la rue.
Vous faites avec légèreté ce que Madonna fait avec tant d’agressivité...[Elle sourit.] Disons qu’il y a plusieurs moyens d’arriver à ses fins.
Madonna a chanté au Super Bowl en toge romaine, au milieu de chars... comme vous il y a plus d’un an ! Amusant, non ? Beaucoup de personnes m’en ont fait la remarque. Je prends ça comme un hommage.
En 2005, vous avez parlé publiquement de votre cancer du sein. Avec le recul, l’avez-vous regretté ? Je n’avais pas le choix. Ça a été un tel choc ! Trois jours plus tard je devais être sur scène, il fallait bien que je donne une explication. Le dire haut et fort était aussi pour moi une façon de rendre ma maladie réelle car je n’arrivais pas à y croire. A Paris, où je me faisais soigner, alors que j’étais dans un état pitoyable et que franchement je ne savais pas comment les choses allaient tourner, à plusieurs occasions des gens sont venus vers moi me tendre une fleur ou me souhaiter bon courage. C’était bouleversant. Pendant toute cette période, j’ai découvert le pire chez les êtres humains comme le meilleur. On s’est rendu compte, peut-être pour la première fois, que j’étais aussi une femme qui souffrait, et pas seulement une poupée souriante.
Ne craignez-vous pas aujourd’hui qu’on vous réduise à ce cancer ?Avec le temps, les gens ont tendance à oublier. Pas moi. Il ne se passe pas une journée sans que j’y pense. Il suffit que je me regarde dans une glace : les cicatrices sont morales et physiques. Il y a des jours où je ressens une incroyable colère ; d’autres où je me dis que, dans mon malheur, j’ai eu beaucoup de chance.
Cette épreuve a-t-elle révélé un aspect de votre personnalité que vous ignoriez ? J’essaie toujours de donner une image optimiste. Au premier abord, j’ai l’air très ouverte, mais, au fond, je suis assez réservée. Je savais que j’étais forte, j’avais la chance d’être entourée de personnes qui m’aimaient vraiment. J’ai l’impression, comme un chat, d’avoir eu plusieurs vies. Dans ma carrière comme dans ma vie personnelle, j’ai pris assez de mauvaises décisions pour me retrouver dans le ruisseau. Finalement, je ne m’en suis pas trop mal sortie.
Vous dites souvent que vous êtes fataliste en amour. C’est facile à dire, mais est-ce aussi facile à vivre ?L’amour, ça se travaille. Je n’ai jamais cru que le mariage était l’apogée... Il y a des gens qui pensent qu’une belle histoire ça va durer toute la vie. Moi, je me dis que ça durera le temps que ça durera, je suis moins déçue.
En vieillissant, êtes-vous plus exigeante ou plus tolérante dans vos relations amoureuses ? Je deviens sage. Plus tolérante, moins exigeante. Je suis très heureuse aujourd’hui, car Andres respecte totalement qui je suis. Que je sorte de scène resplendissante ou que je me réveille hagarde, il est le même. Et quand je pars en vrille sans raison, quand je me sens totalement paumée, que je me pose mille questions, qui je suis, ce que je veux, où je vais... Il est là.
Plutôt geisha ou plutôt guerrière...Geisha, mais ça dépend des moments.
Etes-vous aussi bien dans votre peau que vous en avez l’air ? Je suis guérie et très amoureuse, ça aide. Andres est beau, sympathique et en plus très facile à vivre. Je ne réalise absolument pas que je vais avoir 44 ans. Je prends soin de moi mais je peux vous assurer que je n’ai jamais eu recours à la chirurgie esthétique !
Y a-t-il quelque chose qui vous manque dans la vie ?Oui, mais je ne sais pas quoi. Si c’était un enfant, je vous le dirais... Parfois, j’ai juste l’impression de manquer d’air. Quelque chose me manque, c’est évident, mais quoi exactement ? Je cherche.